La capsule conversationnelle 2018

La Capsule s’ouvre et se ferme avec la conversation. Des premiers enregistrements de Ferdinand Brunot dans le Berry au Corpus d’Orléans, nous y écoutons la voix des femmes et des hommes naviguant avec les linguistes dans le courant du fleuve de la parole. Ce flux de milliers d’heures d’enregistrements est celui du corpus de la langue française et des langues de France. En y entrant à deux, trois ou quatre pour y discuter, converser, votre voix enregistrée, unique et libre ira rejoindre les voix et les paroles anonymes composant un autoportrait collectif de notre langue. Les plus téméraires, seul.e dans la capsule, peuvent y tenter l’expérience de la voix intérieure … Sur la façade nous découvrons une histoire énigmatique de la linguistique, illustrée avec les dessins du Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure. Une capsule, une tablette, une application. Entrez, asseyez vous et bonne traversée.

La « Capsule conversationnelle » Création Guykayser, Réalisation avec Gérard Parésys. Elle est construite avec la participation de l’Agglomération Montargoise et a reçu une aide de la DGLFLF. Merci au LLL, Olivier Baude, Michel Jacobson, Daniel Fauchard, Hervé Mauplot.

 

Guykayser dialogue avec la linguistique… par Olivier Baude

Au début du XXe siècle, Ferdinand de Saussure dessinait des schémas pour expliquer les concepts de la linguistique à ses disciples. Il dessinait en parlant, et les traces de ces paroles ont pris forme dans son fameux Cours de linguistique générale qui fonde la linguistique moderne. Aujourd’hui Guykayser en fait des assemblages. Il dessine, en toute liberté, sa propre histoire tout en nous invitant à rentrer dans cette conversation insolite. La conversation coule alors, comme un fleuve, à la fois contrainte et libre…

L’histoire commence par deux êtres humains qui se regardent. Ils sont dans un cadre composé de la mosaïque des langues du monde de Saussure. Ce sont aussi les premiers dessins des zones cérébrales qui débordent des individus. Ils vont se parler, c’est sûr, la force des langues est là pour ça.

D’ailleurs mêmes quand deux têtes flottent elle se retrouvent dos à dos. Étrange mais le croquis comme le langage le permet. Ça devient une évidence, elles baignent dans le même monde, elles vont naviguer dans le même sens.

Ça y est le contact est établi ! Ce croquis c’est le schéma de la parole pour Saussure. Ce qui relie les deux personnes c’est cette capacité à partager ce qu’on entend et ce qu’on dit, à mobiliser nos corps et nos pensées pour créer le fleuve de la conversation.

Si les têtes semblent se reposer, l’arrière des crânes baigne dans le fleuve. C’est la pensée, ce sont les concepts qui naissent dans notre cerveau et qui partagent le même fluide. Il n’y a pas de conversation sans ce bain de la pensée.

Ils se parlent. Le croquis rappelle les organes nécessaires à l’acte de phonation. Si la pensée est là il faut qu’elle se transforme en un objet sonore pour atteindre l’autre. L’air va être expulsé par les poumons, parcourir la trachée et dépasser le larynx, puis l’onde sonore va prendre forme en se frottant aux cordes vocales, à la langue, aux dents… Elle va peut-être s’engouffrer dans les cavités nasales mais sûrement glisser sur les lèvres. Elle fera alors le grand saut et comblera le vide.

Alors ils rentrent en scène. Ils existent enfin. Qui ? Le cheval par exemple, ou l’arbre ou même le banc de poisson que Guykayser rajoute… Eux comme exemple du tout, un tout que la langue permet de décrire à partir de ses éléments. Le fleuve de la langue va leur donner cette existence. Dans le schéma de Saussure c’est l’arbre qui dévoile la forêt des signes. Ce que nous faisons avec cet arbre nous le faisons avec tous les mots de notre langue. Dans l’assemblage de Guykayser l’arbre et la tête se retrouvent entourés de l’onde. C’est là que tout se joue, la possibilité d’associer comme la liberté d’interpréter. D’ailleurs dans le dessin suivant le cheval et la tête ne font plus qu’un, la langue est partie prise et partie prenante du monde.

On est proche du dénouement, l’acteur principal est là : le signe, le signe linguistique. Présenté dans un triptyque aussi mystérieux que limpide. Dans celui-ci, ce sont les doubles flèches qui encadrent chaque cercle qui sont importantes. Le dessin n’est pas simplement dessin. Les images sont liées à des concepts et forment des mots, ces doubles flèches permettent de passer de l’un à l’autre. La signification se créée, la conversation s’anime.

Tout devient possible ? peut-être. Le dernier dessin de Guykayser a pris le pouvoir. On y retrouve que peu d’éléments des schémas de Saussure, mais l’essentiel est là. Si les poissons venus d’ailleurs nagent, ce qui semble important pour Guykayser, ils le font parce qu’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve.