Taille
30 x 21 x 2 cm
Tirage
7 ex
Parution
2024-01-08 00:00:00
Prix
550 €
Ces tirages sont des diptyques réalisés en 2006 par l’assemblage de deux prises de vue parmi 100 prises au cours de longues balades au bord du canal de Briare et au bord du canal du Loing.
Une série de 7 boîtes noir mat de 30 x 21 x 2 cm.
Avec à l’intérieur 7 tirages de 27 cm / 20 cm, numérotés de 1 à 7 et signés au dos.
Imprimer avec une Canon Prograf Pro-300 sur du papier FineArt Matt Textured William Turner 190g.
Tu appelles ça bordu. C’est bien vu. Et ce n’est pas illogique puisque c’est toi qui as pris la photographie. Car tout commence par une photo, par une balade au bord du bordu. Après, grâce à la magie technique, ça fait je ne sais plus combien de milliers de photos mais c’est toujours le même paysage. Et c’est ce qui me plaît, beaucoup.
On est toujours au bord de quelque chose, un fleuve, un gouffre, les larmes, la folie, la tombe. Toi, si j’ai bien compris, tu serais d’abord au bord d’un canal. Que ce soit le canal de Briare plutôt que le canal Saint-Martin ne change rien à l’affaire, c’est un chemin navigable, celui-là date du temps où les rois redéfinissaient le paysage en plantant des arbres. Et puis l’eau s’y écoule, pas très vite, tant mieux, personne ne devrait oublier que cette image nous renvoie au fleuve (au temps) du vieil Héraclite. Il va aussi de soi que ça te ressemble un peu de faire avec les moyens du bord.
Un bordu c’est sans doute un peu plus qu’un bord et un peu moins qu’une bordure. Si la bordure est ce qui se trouve au bord et s’étend à côté, le bordu serait ce qui s’inscruste juste là. Par la force des choses, il serait également la frontière ou le pli où la photo s’articule, comme en miroir.
J’ai dit qu’il s’agissait à mes yeux de paysage. Par là, je vise quelque chose d’essentiel, le paesaggio que je suis moi-même, traversé par lui et le traversant. Rarement j’aurais éprouvé une impression aussi immédiate de savoir où je suis tout en étant absolument perdu, sans repère, dans la répétition du même et dans la différence permanente, suspendu entre le matériel et l’immatériel, posé à petite ou à grande échelle.
En un sens singulier, on pourrait parler d’un opus symboliste, mais sans autre mystère qu’un surcroît de réel. « symbolon » à l’origine était un signe de reconnaissance, un objet coupé en deux dont deux hôtes conservaient chacun une moitié qu’ils transmettaient à leurs enfants et dont les deux parties assemblées permettaient de prouver des relations d’hospitalité ancestrales ; puis, au-delà, il a désigné tout signe de reconnaissance. « symbolê » signifie ajustement, emboitement, jointure, je n’y peux rien, je retombe encore une fois sur le out of joint shakespearien, le temps désorienté, donc ici, quelle qu’en soit l’intention, une tentative de rejointer, de faire se rencontrer les deux moitiés d’un tout comme dans un diptyque, mieux encore, ces deux moitiés prêtes à se replier l’une sur l’autre comme sur les volets toscans d’autrefois où prospéraient les martyrs et les saints.
Il y a là un infini relatif qui se met en branle à partir de trois fois rien, un bout d’herbe ou de planche ou de béton. A partir de chaque image, on pourrait imaginer des histoires. L’ensemble finirait par donner le tournis. Mais finalement ce que j’en retiens, c’est sa beauté. Oui, j’insiste, une beauté qui me touche profondément, à la fois néolithique et moderne, qui s’impose, une beauté, pourquoi se compliquer la vie avec d’autres mots.
Bernard Chambaz 2006